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Saint-Chamond
18 décembre 2018

Roger Planchon, à Saint-Chamond

Roger Planchon, portrait

 

 

Roger Planchon, à Saint-Chamond

«je resterai fier de Saint-Chamond :

c’est la ville de mes premières tétées»

 

Il n'existe guère de traces de Roger Planchon à Saint-Chamond où il est né. Mais j'en ai trouvé une : le recensement de population de 1931, année de sa naissance. Cette opération a été effectuée avant cette dernière (12 septembre) puisqu'il n'apparaît pas lui-même dans la liste.

Seuls ses parents y figurent, au cours Adrien Montgolfier, numéro 19, maison Faure : Émile Planchon et Augusta Nogier.

Sur le recensement de 1936, les Planchon n'apparaissent plus.

 

recensement 1931, cours Adrien Montgolfier, légendé
Saint-Chamond, recensement 1931 : les parents de Roger Planchon habitent cours Adrien Montgolfier

 

 

Extrait des Mémoires de Roger Planchon, Apprentissages (2004)

Mon passé a deux versants : la campagne, les champs, les collines, une ferme miséreuse où l’on sue pour survivre. La ville, les rues ouvrières, les bistrots d’avant guerre où, par la densité de viandes soûles au mètre carré, on prend la mesure du désespoir des pauvres. Dans ces deux périmètres, pour améliorer l’ordinaire, il fallait un solide appétit. Le quotidien s’appelait courage.

La même volée d’oiseaux voltigeait au-dessus de papa et maman marmots. Ils sont nés à quelques kilomètres l’un de l’autre. Mon père, Emile Planchon, sur le flanc du plateau ardéchois, à Noirols, un hameau de Dornas, près du Cheylard. Ma mère, Marie Nogier, aux sources de la Loire, au pied du Gerbier-des-Joncs, dans un hameau de Sainte-Eulalie : Les Jallades.

(...)

Mon passé a deux versants : la campagne, les champs, les collines, une ferme miséreuse où l’on sue pour survivre. La ville, les rues ouvrières, les bistrots d’avant guerre où, par la densité de viandes soûles au mètre carré, on prend la mesure du désespoir des pauvres. Dans ces deux périmètres, pour améliorer l’ordinaire, il fallait un solide appétit. Le quotidien s’appelait courage.

La même volée d’oiseaux voltigeait au-dessus de papa et maman marmots. Ils sont nés à quelques kilomètres l’un de l’autre. Mon père, Emile Planchon, sur le flanc du plateau ardéchois, à Noirols, un hameau de Dornas, près du Cheylard. Ma mère, Marie Nogier, aux sources de la Loire, au pied du Gerbier-des-Joncs, dans un hameau de Sainte-Eulalie : Les Jallades.

(...)

Ma mère ne sait ni lire ni écrire, mais elle sait compter. Elle a la tête ambitieuse et fait, pour leur couple et la marmaille à naître, un plan d’avenir. Mon père a pour ambition de n’en avoir aucune. Ma mère décrète que la voie royale de notre promotion familiale est la vente de boissons alcoolisées. Ils empruntent pour cela quelques sous à grand-oncle Farfule, un oncle extravagant mais qui a la bosse du commerce. Ils ouvrent un bistrot, face aux aciéries de Saint-Chamond. Ce n’était pas le trou du cul du monde, mais presque. En 1930, la misère, dans cette ville, n’était que légèrement supérieure à d’autres villes-phares industrielles. Jusqu’à mon dernier souffle, je resterai fier de Saint-Chamond : c’est la ville de mes premières tétées.

Le 12 septembre 1931, je naquis donc dans une soupente, au-dessus du débit de boisson. On réservait deux coins de murs de notre soupente pour recevoir parents et amis qui débarquaient. La nuit, ceux du dessus servaient de couvre-lit à ceux du dessous. Dans la journée, on s’y tenait plié en deux. Moi, je n’ai jamais eu mal au dos : je n’y ai vécu qu’une année, couché, à déchiffrer la signification des fissures du plafond. Le Code ésotérique du monde y était inscrit.

À l’époque, Saint-Chamond était un magma de masures et d’usines enfumées. Je l’avais quittée depuis longtemps lorsqu’on m’a expliqué que Saint-Chamond était une ville. Combien d’années encore n’ai-je attendu avant qu’on daigne m’apprendre que j’étais né dans la Loire, sans me préciser s’il s’agissait du fleuve ou du département ? Faute de précisions, j’ai bêtement cru que j’étais né le cul dans l’eau, entouré de roseaux.

Maman, avant l’ouverture du bistrot, à 5 heures du matin, m’offrait le sein. À 1 heure du matin, avant ma dernière tétée, maman verrouillait les volets. De ces temps confus revient une chansonnette : La guingette a fermé ses volets.

Couché dans ma caisse douillette près du comptoir, je suis le prétexte de toasts répétitifs des ouvriers qui travaillent aux aciéries. Ces grands cœurs voient dans ma naissance un motif irréprochable pour vider un verre : ils boivent à la santé d’un enfant. Grâce à ces gaillards à la descente facile, j’ai rarement été malade. J’en remercie les travailleurs de force de Saint-Chamond qui, les jours de paye, ont éclusé des dizaines de tournées à ma santé. Les prolos, en levant le coude d’une façon répétitive, ont influencé le Destin. Pourtant, pendant la sieste que je faisais chaque après-midi, la fumée du tabac des clients montait dans ma soupente, qui n’avait pas de fenêtre. A Saint-Chamond, nourrisson, jour et nuit, j’ai aussi respiré la fumée du gris que l’on prend dans ses doigts et qu’on roule.

Parfois, des bagarres éclataient dans le bistrot, qui donnaient de l’éclat à nos soirées. Le désespoir des démunis se dit souvent au couteau. Un soir, mon père, en voulant séparer deux duellistes polonais, fut entaillé. Le bistrotier survécut, et la famille rangea la blessure de papa parmi les anecdotes. Se marrer du pire remplace l’aspirine, évite les jérémiades.

Roger Planchon

Planchon, Apprentissages, couv

 

 

 

 

 

 

la sortie des Aciéries de la Marine, peu avant la naissance de Roger Planchon

 

sortie des Aciéries de la Marine, cpa
sortie des Aciéries de la Marine : le café tenu par les parents de Roger Planchon était tout proche

 

sortie des Aciéries de la Marine, rue Petin-Godet
sortie des Aciéries de la Marine,
quelques années avant la naissance de Roger Planchon

 

sortie des Aciéries de la Marine, cpa2
sortie des Aciéries de la Marine : un paysage probablement identique
à celui évoqué par Roger Planchon dans ses Mémoires

 

rue de Saint-Étienne et entrée des Aciéries
une autre entrée des Aciéries, rue de Saint-Étienne

 

 

 

le père de Roger Planchon venait de Dornas (Ardèche)

Dornas, carte postale (1)
le village de Dornas, dans l'Ardèche

 

Dornas, carte postale (2)
le village de Dornas, dans l'Ardèche

 

Dornas, carte postale (3)
le village de Dornas, dans l'Ardèche

 

 

 

Roger Planchon jeune, dans les années 1960

 

Roger Planchon regard vers le haut
Roger Planchon (1931-2009)

 

Roger Planchon, visage
Roger Planchon (1931-2009)

 

Roger Planchon avec cigarette
Roger Planchon (1931-2009)

 

Roger Planchon, profil
Roger Planchon (1931-2009)

 

Roger Planchon avec Arthur Adamov
Roger Planchon et ARthur Adamov

 

 

Roger Planchon, acteur de cinéma

 

Planchon dans Le retour de Martin Guerre (1)
Le Retour de Martin Guerre (1982) ; Roger Planchon est le juge, à droite

 

Planchon dans Le retour de Martin Guerre (2)
Le Retour de Martin Guerre (1982) ; Roger Planchon est le juge, à gauche

 

Planchon dans Le retour de Martin Guerre (3)
Le Retour de Martin Guerre (1982) ; Gérard Depardieu et Roger Planchon

 

Planchon dans L'Année de l'éveil
L'Année de l'éveil (1991) ; Roger Planchon est le capitaine

 

 

Roger Planchon, directeur du T.N.P.

Roger Planchon a dirigé le Théâtre national populaire de Villeurbanne, de 1972 à 2002.

 

TNP Villeurbanne
le TNP de Villeurbanne

 

 

 

  • Merci à mon collègue Lionel Bébin, professeur de Lettres au lycée Claude Lebois, qui a attiré mon attention sur les mémoires de Roger Planchon.

Michel Renard
professeur d'histoire

 

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